Cette semaine, j’ai eu mal à mon Québec…
Cette semaine, les étrangers résidents au Québec ont vécu rien de moins qu’un ascenseur émotionnel vers une certaine idée de l’Enfer. J’ai donc décidé de revenir sur ces jours fous, car même si mes publications peuvent parfois le laisser penser, tout n’est pas toujours rose dans la Belle Province.
L’objet du crime, c’est une réforme du PEQ (Programme d’Expérience Québécoise) qui permet notamment à des étudiants et à des travailleurs temporaires d’obtenir le Certificat de Sélection du Québec (CSQ) qui permet de demander à obtenir la résidence permanente au Canada assez rapidement (20 jours après leur demande) une fois les conditions remplies. Dans les autres cas, ça peut prendre plusieurs mois. La réforme prévoyait une restriction à 218 programmes listés par le gouvernement de façon assez arbitraire. Ce qui a coincé? C’est que la réforme s’appliquait rétroactivement, ce qui signifiait par exemple qu’en une journée, des étudiants qui poursuivaient un programme universitaire qui ne cadrait plus avec la liste devaient plier les gaules! Rentrez chez vous, on ne veut plus de vous!
Maintenant que vous avez le contexte, entrons dans le vif du sujet en détaillant ce qui s’est produit chaque jour et vous allez voir, c’est rocambolesque!
Avant le 5 novembre 2019 : Le Ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette présente son test des valeurs québécoises qui est censé entrer en vigueur le 1er janvier 2020. Premier coup de canif récent dans la politique d’immigration qui vise sans le dire certaines communautés ethniques et religieuses. Au milieu de cette présentation la réforme du PEQ est lancée aussi, mais la déflagration n’arrive pas encore. Quand on sait que la loi 9 sur l’immigration et la loi 21 sur la laïcité piquent déjà les yeux, on n’est pas rendus… Mais ce n’est que le début.
Mardi 5 novembre 2019 : La prise de conscience est effective car la réforme est proposée et est censée être entrée en vigueur. Sans réelle marge de manoeuvre, d’autant que malgré les protestations qui se font entendre, que ce soit de la part des concernés ou des milieux économiques et universitaires qui sont alertés et s’opposent, le gouvernement, Simon Jolin-Barrette et Monsieur le Premier Ministre François Legault restent campés sur leurs positions. Seule l’économie nous intéresse et seul notre marché du travail compte. Les vies que l’on brise au passage, rien à cirer. Politiquement, tous les autres partis se lient contre la Coalition Avenir Québec au pouvoir pour demander un recul et le retrait de la réforme. Premier acte.
Mercredi 6 novembre 2019 : La veille au soir, MM. Legault et Jolin-Barrette auraient pris ensemble la décision (mais sur conseil de l’un ou de l’autre) d’inclure une clause de droits acquis (appelée communément « Clause grand-père » qui protégeraient les immigrants qui seraient déjà présents sur le territoire québécois. Premier recul et premier espoir pour tous ces gens qui se demandaient bien ce qui allait se produire pour eux. En fin de journée, l’opposition dépose une motion pour que la réforme soit retirée… Et la CAQ n’a pas pu répliquer… Parce qu’il n’y avait que 3 députés de cette formation politique dans le Salon Bleu! Plusieurs d’entre eux étaient en train de festoyer à un cocktail en ville. Vous la sentez l’improvisation totale de la gouvernance? Deuxième acte. Et attendez, ce n’est pas fini!
Jeudi 7 novembre 2019 : Le groupe Facebook Non au changements des règles pour le PEQ travailleur et PEQ diplômé a bien grandi (j’en fais partie) et plusieurs actions ont déjà eu lieu. Des manifestations pacifiques, l’irruption dans ce fameux cocktail par exemple et une mobilisation globale existe. Bien sûr, les avis s’affrontent sur les réseaux sociaux sous les articles de presse. Ça en dit beaucoup sur les pensées du territoire. La réponse le François Legault? Il joue la carte de l’opinion publique en publiant ceci sur sa page Facebook :
Immigration économique
Facebook de François Legault, Premier Ministre du Québec, 7 novembre 2019, 12h27.
Je suis convaincu que la majorité des Québécois sont d’accord pour qu’on choisisse d’abord des immigrants qui ont les qualifications pour répondre aux besoins du marché du travail québécois (informaticiens, infirmières,…)
Dans sa vision nationaliste, voire populiste selon les lunettes que vous mettez sur votre nez, il y a des « bons immigrants et des mauvais qu’on peut jeter ». L’opposition à ce discours monte encore d’un cran. La mobilisation ne faiblit pas et nos deux compères continuent de manger la bande à pleines dents. Les universités se sont levées, les travailleurs aussi, tous conscients de ce que nous apportons au Québec. Il est à noter que les commentaires négatifs sous la déclaration citée plus haut sur Facebook qui n’étaient pas d’accord avec son affirmation étaient systématiquement supprimés et les comptes trop actifs verrouillés par Facebook par précaution algorithmique. Troisième acte.
Vendredi 8 novembre 2019 : Les personnes touchées par la réforme du PEQ sont invitées à déposer leur CV papier aux bureaux du Ministre de l’Immigration. Face à ces jours de grogne et à la fronde sur tous les fronts, la réforme est retirée. Il est question de « retourner à la planche à dessin » et de consulter les parties concernées par une « consultation approfondie ». Si on lit entre les lignes, il n’est pas question de laisser le système ouvert comme il l’est actuellement. Il est donc fortement recommandé de suivre le dossier et voir ce qui va sortir dans quelques mois. Rester vigilants, c’est une nécessité. Acte final… Pour l’instant.
Même si je ne suis pas concerné par cette réforme directement (je ne suis pas venu au Québec avec le PEQ à prévoir dans mon parcours d’immigration), j’ai été touché dans ma chair par cette histoire. La CAQ est aux responsabilités depuis un peu plus d’un an et sa politique est fortement axée sur l’immigration et son contrôle. Si l’affaire des 18 000 dossiers mis au rebut il y a quelques mois m’avait déjà rendu fou (tu constitues un dossier pour t’établir ici et on te jette comme un kleenex sale parce que… Parce que c’est comme ça) et c’était déjà difficilement supportable, cette réforme du PEQ faisait pire, car elle disait à des gens ou à des familles ÉTABLIES ICI de rentrer dans leur pays d’origine. On peut comprendre qu’une province veuille savoir où elle va pour accueillir du monde, mais de là à nier ce que chaque immigrant apporte à la société, c’est inhumain et injuste. Sans compter que la liste des programmes sélectionnés par le gouvernement est ubuesque mais ils comptaient la réviser annuellement, ce qui, dans un parcours d’études qui dure souvent plus d’une année n’a pas de sens.
Un immigrant qui s’installe dans un nouveau pays ne le fait jamais par paresse. Chaque personne qui plaque tout pour s’établir ailleurs arrive avec une force décuplée parce qu’elle sait qu’elle doit faire le maximum pour réussir, que ce soit pour s’intégrer ou construire une vie saine pour elle et les siens. La volonté des gens qui arrivent est énorme et le Québec voudrait s’en priver? Je ne crois pas. Ce n’est pas le Québec qui m’a accueilli. Je mets toutes mes forces à réussir et à avancer pour rendre au Québec et au Canada toutes les opportunités qui font qu’aujourd’hui le Québec c’est chez moi. Alors oui, je m’élèverais toujours face à des projets stupides comme celui de cette semaine et je suivrai ce qui va advenir de tout ce domaine. Quant aux tests de valeurs qui proposeraient des traductions dynamiques, il y a de quoi sourire car ça n’existe tout simplement pas. Mon cher Simon, tu t’es pas fait un ami en faisant en sorte de tous nous stigmatiser. Je pourrais pas dire mieux. Vraiment.